vendredi 18 novembre 2011

Riche de trous noirs de l’univers et toutes ses blessures phosphorescentes. { Mustapha nissabouri }


Je ne peux pas écrire. Je ne me fais pas aux découvertes quotidiennes. Ce n’est pas que je m’en lasse. Loin de là. Mais je n’arrive pas à m’arrêter. Je n’ai pas le temps de m’allonger sur le sol et avaler. Avaler tout ce que je vois. J’ingurgite et je n’arrive pas à digérer.

Je me pose des milliers de questions. C'est aussi haut que l'Atlas. Je ne vois pas le bout. est ce que le simple fait de venir jusqu’au Maroc montre que je suis ouverte d'esprit? Ou bien est-ce un moyen de découvrir qu'au final, je ne suis capable que de coloniser?

La vie n’est que colonisation. Je ne me mélangerais pas. Car je ne peux pas enlever ma tête de petite européenne. Et je ne dois pas m’imposer. L’apprentissage de la culture est une soupe avec des gros morceaux dedans. Pourtant je ne peux pas te coloniser. Pas toi. Pas tes grands et beau yeux bruns.

Je me fais manger par des points d’interrogations. Reste superficielle. Juste un peu de superficialité. Pour ne pas voir la gravité.

Et pourtant je voudrais vous raconter . Vous parlez des odeurs. Comme des restes de présences qui envahissent mes journées. Les parfums qui animent le Maroc. Ceux des rues sales du quartiers universitaires qui vous colle au visage comme un masque. Les odeurs qui racontent un marché de fruits et légumes. Qui vous rassurent parce qu’elle vous ramène dans des souvenirs familiers. Et puis celles qui vous surprennent, au détour d’une rue, qui vous enseigne. l’effluve du mouton qui saigne. C’est collé à mon cerveau comme un chewing-gum. Et puis, ton parfum, de partout, une hallucination. Car c’est tout ce qui reste après mon chagrin.

Et pourtant je voudrais vous dire au combien c’est difficile d’être une femme ici. Ma jupe fait ralentir la circulation des rues de Marrakech. Car dans leurs yeux tu es la fille gratuite qu’ils n’auront pas à épouser après. Tu es l’étrangère et tu vois que tu es le personnage principal de leurs fantasme les plus fous. La drague au Maroc n’est certainement pas le sport national, pourtant ils s’acharnent. Un «salut, ça va?» murmurait en te croisant. Une main baladeuse qui n’ose pas trop. Et pour les plus téméraire, un sifflement. Comme celui que tu ferais à un chien. Et tu ne peux pas t’énerver. Je me voile de marbre et passe. Je suis libre et c’est pas un article en solde ici.

Et puis vous décrire les nouveaux son qui sortent de ma bouche. Une langue qui se forme au creux de mon palais. Je marche maintenant les yeux fermés. Je trébuche, mais j’entends mieux. J’entends cette langue si étrangère. Je voudrais savoir, bon dieu, ce qu’ils se disent. Petit à petit l’ignorance se dissipe, mais j’ai encore un long chemin à faire. Alors j’en fais une musique dans mes oreilles, une écharpe de phonème et de tonalité autour de mon cou.

Et pourtant je voudrais tout vous dire, mais, au bout du téléphone, je n’arrive plus à parler. Le goût de l’encre sur les mains me manque. Ca viendra, mais laissez- moi le temps de changer. D'apprivoiser l’âne de mon quartier.


inch'allah.


P.

dimanche 9 octobre 2011

Marrakech est belle, c'est la lumière des Saints { Jamila Abitar }


Les genoux qui plient. Un moment de faiblesse, dû à un rhume et un deuil à distance. Et ça repart. Je commence à maîtriser ma vie ici. Marrakech plie face à ma détermination. Elle me plaît. Ce n’est pas le coup de foudre mais un flirt contre les murs rouges de la ville.
Je me retrouve dans les ruelles sombres de la médina. On se croirait dans un film. la fumée sort des toits, la lumière rasante d’un jaune électrique et moi, dans ma robe 2046, avec mes talons qui ne voient plus très droit.

Je balbutie quelques mots. Comme un enfant, je n’ose pas. Comme si je n’avais pas le droit de parler leur langue. Cette peur paralysante de mal faire, ne pas vexer. Pourtant je sais qu’il faut s’imposer, mais dans la douceur. Et avec ma maladresse, c’est cette lenteur qui m’effraie. Je ne sais pas faire dans le doux et le lent. J’apprends en égrainant le couscous. Je sais que ça viendra et cette peur douce-amère s’envole. Car je suis enveloppée de gens extraordinaires. Et puis tout n’est pas différent, on rigole des mêmes blagues autour d’un plat de pâte acheté 20 dirhams à Marjane. La pauvreté réunie les étudiants. Sauf qu’ici je ne suis pas pauvre. Je le cache bien, mais sur mon compte vis l’équivalent d’un salaire de maître de conférence marocain. Et oui, ma carte de crédit me rappelle que je suis une privilégiée.

J’ai l’impression de ne pas assez vous en dire. Mais ce n’est pas qu’il n’y a rien a dire. Mon corps est rempli de mots et de description. Et dans mon estomac tout se mélange. C’est difficile de digérer tout ça pour en faire quelque chose de cohérent. Mais s’il fallait parler, lame de couteau à la gorge. Ce serait confus. Des mots. Une tentative veine de retranscrire la vague d’émotion qui te submerge à chaque coin de rues. Les couleurs. La pulpe du jus d’orange qui se presse. Les cris qui fussent. Non j’ai déjà mangé. Les insultes que l’on comprend à une table. Les serpents. En bois. Un singe sur ma tête. Ma conscience qui se cache dans mon nez. Coco. La fumée et toujours les couleurs. Je baisse les yeux, des escargots. Ma gazelle. Je ne suis pas une gazelle. Ca se précipite. Le thé qui coule. J’ai envie de faire pipi. Mes yeux ont 10 ans. Mes poches sont vides. Je tombe, un vélo derrière. Je remonte en selle. Nos yeux se croisent. Une main aux fesses. Changement de sujet. Les papilles en boîte de nuit. Pâtisserie orientale sur un étalage. On ne touche pas. Je ne veux pas de toupie, merci. Encore ces putains d’escargots. Les tapis d'Aladin. Aladin en personne. Confrontation avec une mobylette. Je vacille, me rattrape. Pousse tout le monde. Je m’excuse plus. Une baignoire en tôle. Une idée grotesque. On entend même pas nos rires. Des tapis accroché au plafond. Un rat au milieu des katfants. On change de rues. C’était Jemaa El Fna.

Inch'allah.

P.